Piloter son exploitation à partir de mod Piloter son exploitation à partir de modèles informatiques
Sur sa ferme, Luc Lorin collecte toutes les données météorologiques et agricoles depuis 20 ans. Il s’en sert pour ajuster ses interventions et sa commercialisation.
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La data, c’est son dada. Passionné de météo, de mathématiques et d’agronomie, Luc Lorin a développé des modèles informatiques pour maîtriser un maximum de paramètres sur son exploitation. « Grâce aux données collectées, j’anticipe ce qui pourrait se passer. Cela évite de se prendre des claques », souligne l’agriculteur.
Installé à Digny, près de Chartres (Eure-et-Loir), il cultive 320 ha avec son frère et possède toutes les données agricoles de ses parcelles, sur une dizaine de types de sol différents. Lors de la récolte, toutes les remorques sont échantillonnées et analysées (poids de 1 000 grains, poids spécifique, taux de protéines, pourcentage de grains fusariés…). L’acquisition de données se fait plusieurs fois par campagne sur les cultures principales.
Grâce aux outils d’aide à la décision qu’il a créés sous Excel, Luc peut anticiper son rendement : « Au stade épiaison, j’ai calculé que je devrais m’approcher des 93 q/ha, avec une marge d’erreur de 3 q/ha. » Les modèles maladie lui ont permis d’évaluer les pertes de rendement générées par la fusariose en 2016, entre 4 et 10 q/ha. Pour connaître ce chiffre, Luc a équipé son tracteur d’un capteur de biomasse, qui mesure l’indice de végétation par différence normalisée (NDVI) une cinquantaine de fois par hectare. Cet outil lui permet de calculer le nombre d’épis/m² et, à partir des composantes de rendement variétales, il obtient le nombre de grains, puis le poids de 1 000 grains et son rendement. Ce calcul est ajusté selon le stade de développement de la plante et de la météo.
Piloter l’azote et les fongicides
Réalisée au stade tallage, cette cartographie de rendement lui permet de piloter au plus juste les doses d’azote, de fongicides et de raccourcisseurs. Pour la fertilisation, Luc Lorin s’appuie sur les reliquats sortie d’hiver pour le premier apport, puis utilise le Greenseeker (il a développé les algorithmes pour Trimble) et ses modèles pour les autres apports. « Cette année, j’ai commencé à apporter 45 unités, ce qui est moins que d’habitude. Puis au stade épi 1 cm, la biomasse se dégradait, j’ai ajouté 90 unités. Enfin, pour les troisième et quatrième apports, j’ai modulé entre 60 et 80 unités selon les parcelles. »
Face aux maladies, le céréalier a développé une panoplie d’outils afin d’anticiper et de déclencher les premières interventions. « Je réalise les simulations au stade épi 1 cm pour le piétin verse, huit jours avant le stade deux nœuds pour la septoriose, et au jour le jour à partir de l’épiaison pour la fusariose. » Pour cette dernière maladie, il a corrélé la température, le nombre d’heures au-dessus de 80 % d’hygrométrie et l’apparition de la maladie depuis 1996. Pour être encore plus précis, il a créé deux modèles, en fonction des types de souche de fusariose. En 2016, le facteur risque était très élevé pour Fusarium roseum avec 236 heures au-dessus des 80 %, 10 jours avant la floraison. Il a traité dès le 3 juin. Les doses sont aussi modulées en fonction de la pression maladie estimée. Le potentiel de rendement étant très bon et la pression forte, il a augmenté les doses fongiques de 20 %, en les divisant en deux apports. Une microparcelle témoin est non traitée, et d’autres sont traitées plus tard pour vérifier l’exactitude des estimations. « En anticipant l’explosion des maladies et en intervenant au bon moment, les traitements sont plus efficaces. À deux jours près, il n’y a pas d’erreur. »
Contractualiser sur la qualité des blés
Le seul facteur que Luc Lorin n’arrive pas à modéliser, c’est le désherbage. Malgré un labour, des semis tardifs, des faux semis, une rotation allongée et des désherbants chimiques, il doit faire face à des problèmes de ray-grass et de vulpin. « On ne maîtrise pas tout ! » reconnaît-il.
Au-delà de l’aspect technique, toutes ces données aident Luc Lorin dans sa commercialisation. En effet, ses modèles lui permettent d’estimer le taux de protéine, le temps de chute de Hagberg, le poids spécifique, etc. Il peut donc prévoir, plus ou moins à l’avance, la qualité de sa récolte et l’engager dès la sortie de l’hiver. « On n’est jamais à l’abri d’un accident climatique. Mais cette année, j’ai estimé le taux de protéines autour de 10-10,5 %. J’ai donc contractualisé la moitié de ma récolte 2016 avec une coopérative locale qui proposait un bon prix, sur cette qualité, dès le mois de février. » Comme l’agriculteur stocke 100 % de sa récolte, il peut anticiper l’allotement : les parcelles sont regroupées en 3 lots, en fonction du taux de protéines, pour une meilleure valorisation.
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